Depuis janvier 2020, un groupe de marche sportive féminine se réunit deux fois par semaine à Montmartre. Outre le fait de pratiquer un sport régulièrement, cette initiative permet également à ces femmes de découvrir un autre quartier, et de mieux se connaître. Reportage.
Chaque mercredi et samedi, à 8 heures précises, une petite troupe de femmes arpente les ruelles de Montmartre sous le regard curieux des rares passant·e·s. Ces femmes sont toutes habitantes de la Goutte d’Or et font partie du groupe de marche sportive féminine lancé en janvier 2020 par Lydie Quentin, directrice de l’association des Enfants de la Goutte D’Or, et son amie Barbara. Le groupe s’est agrandi petit à petit via le bouche à oreille, au point d’atteindre le nombre de 24 participantes les jours de grande marche. Ce matin-là, justement, de nouvelles arrivantes s’avancent timidement vers le numéro 3 de la rue Christiani où sont regroupées une dizaine de marcheuses maintenant aguerries. « Au début c’était super dur, je n’y arrivais pas, j’avais des vertiges et la tête qui tourne » rembobine Houda, première femme du quartier à avoir rejoint le groupe de marche. Mais au fur et à mesure des marches, elle a vu son corps s’adapter à l’effort. Et peu importe la météo, elle trouve toujours la motivation pour se joindre aux marcheuses, et effectuer avec elles le parcours de 4 kilomètres. Ce dernier - qui part de la Goutte d’Or pour rejoindre le parvis du Sacré-Coeur, en passant par les Abbesses - reste le même d’une séance à l’autre, ce qui permet aux femmes en retard de pouvoir rattraper la petite troupe en cours de route.
Marcher en dehors du quartier
Pendant cette heure de marche, Barbara, qui se fait appeler « coach » par l’ensemble des femmes, n’hésite pas à partager quelques notions de diététique. C’est elle également qui anime les petits exercices musculaires vers la fin du parcours, au sommet de la butte de Montmartre. Et ne vous y trompez pas, toutes ces femmes, qu’importe leur âge, se donnent à fond, toujours dans une ambiance détendue et conviviale. « J’ai essayé de le faire seule mais je n’ai pas réussi, avoue Houda. Quand tu sais qu’il y a quelqu’un qui t’attend tu ne peux pas la laisser seule ». Avec les marcheuses de la Goutte d’Or, la notion de collectif a une place centrale, car l’activité de marche ne se limite pas à son aspect sportif, les participantes y voient surtout un moment de partage en dehors de leur quartier.
Habitantes de la Goutte d’Or, toutes ces marcheuses n’ont pas pour autant un quotidien similaire. « On s’est rendu compte que certaines femmes n’avaient jamais traversé le boulevard, en tout cas pas pour aller se balader sur la butte » rapporte Isabelle. Cette nouvelle proximité est un moyen d’échanger différemment sur leur vie. « Il y a un membre du conseil d’administration des Enfants de la Goutte D’Or qui est aussi médecin de formation, donc qui est là pour répondre de manière informelle à des questions médicales. Une psychologue clinicienne vient aussi de temps en temps accompagner, précise Lydie Quentin. L’air de rien, ça permet de marcher en échangeant sur des sujets personnels sans risquer quoi que ce soit et du coup ça favorise vraiment les échanges. »
Trouver chaussure à son pied
Âgées de 21 à 80 ans, les membres du groupe de marche sont désormais bien rodées à l’exercice. Et surtout, elles sont identifiables depuis qu’elles ont été aidées par le Fonds de Participation des Habitants (FPH). « Avant, les gens nous voyaient arriver, voilées, en djellaba, et personne ne comprenait bien ce que l’on faisait là, constate Lydie. L’acquisition des chaussures nous a permis d’être identifiée ». L’achat des chaussures, rendu possible par le FPH - dont le but est de fournir une aide aux habitants du quartier ayant un projet à financer, a également permis à toutes les femmes qui souhaitaient intégrer le collectif d’être bien chaussées, sans exception. « Le premier jour je suis venue avec des bottes, je ne faisais pas de sport, je n’étais pas consciente du tout » confie Houda.
Désormais bien chaussé et solidement constitué, le groupe de marche sportive de la Goutte d’Or souhaite continuer à se développer à travers quelques projets. « On peut être beaucoup plus nombreuses, constate Isabelle. Il est question aussi qu’on puisse de temps en temps faire des sorties, aller au bois, faire d’autres visites ». Et qui sait, peut-être que vous les verrez passer devant chez vous, et que l’envie vous viendra de les rejoindre pour marcher.
Texte et photos : Juliette Hirrien.