Comédienne, conteuse, metteuse en scène française d’origine polonaise, Janice Zadrozynski est une artiste complète. Elle est la fondatrice de la Compagnie Shin. C’est avec plusieurs cordes à son arc qu’elle conquit le cœur de son public au fil des émotions à chaque spectacle. Ainsi, elle nous ouvre les portes de son univers passionnant, qu’elle partage avec tous·tes les âges, depuis 2013.
D’où vous est venue cette envie de créer une compagnie artistique ?
“Depuis ma tendre enfance, j’ai toujours voulu faire du spectacle. En effet, j’ai fait de la danse à partir de quatre ans, du théâtre à partir de huit ans. J’ai également fait un bac littéraire option théâtre et plusieurs études de théâtre. Le théâtre et la danse sont ma vie. J’ai toujours voulu créer mes propres projets, mes propres spectacles. Donc la création de la « Compagnie Shin » n’est autre que la réalisation de mon rêve. Et de partager cela avec le public.”
Vous êtes solitaire dans l’exercice de votre art. Pourquoi ne partagez-vous pas de scènes avec des comédien·nes professionnel·les comme vous ?
“J’ai beaucoup joué au théâtre, dans des compagnies. En tant que comédienne, j’ai joué pour d’autres personnes. J’ai joué pour de grands festivals. Et là encore, je suis metteuse en scène pour une scène nationale. Et ma compagnie représente un quart de ce que je fais en tant qu’artiste. C’est essentiellement avec ma compagnie que je travaille dans le 18eme arrondissement de Paris.”
Dans votre parcours, quelles sont les grandes scènes auxquelles vous avez pris part ?
“J’ai travaillé avec un autre grand théâtre à Rennes qui s’appelle « Théâtre de la paillette » qui est assez connu aussi. J’ai aussi joué dans un festival qui s’appelle « Les tombées de la nuit » à Rennes. J’ai par ailleurs joué dans pas mal de festivals en Pologne. Actuellement, je travaille sur une grande scène qui s’appelle la « MC 93 » qui est une scène nationale, dirigée par l’ancienne directrice du festival d’Avignon, madame Hortense Archambault.”
N’avez-vous pas eu peur de vous lancer dans ce domaine qui semble ne plus avoir pignon sur rue ?
“Non, je n’ai pas eu d’inquiétude. Et aujourd’hui, les choses changent. On a beaucoup d’opportunités en tant qu’artiste pour travailler. Justement, il faut conjuguer plusieurs choses. Notamment, jouer pour d’autres personnes, créer sa propre compagnie, être prof en conservatoire. Dans mon cas, ayant plusieurs cordes à mon arc, je peux voguer entre l’enseignement, le jeu de comédienne et la création de spectacle.”
Depuis le début de votre carrière en 2013, combien de spectacles avez-vous créés ? Et combien comptez-vous en créer pour 2025 ?
“Depuis 2013, je pense que j’ai créé au moins un spectacle par an. Donc plus d’une dizaine. En moyenne, c’est un par an, voire deux ou trois.”
Est-ce le spectacle créé dans l’année que vous jouez ou vous arrive-t-il de jouer les spectacles précédents ?
“Non, des fois, ça m’arrive de reprendre des spectacles que j’ai déjà joués. On continue un peu à les faire tourner en fonction des demandes.”
Vous souvenez-vous du premier spectacle que vous avez écrit ? Est-il possible pour vous de le rejouer ?
“Alors, le premier spectacle que j’ai écrit, je ne l’ai pas joué moi-même. Il a été joué par une autre compagnie. Et ce premier spectacle, je l’ai co-écrit en 2013, typiquement pour le festival « les tombées de la nuit » à Rennes. On y a consacré trois semaines. Il devait être joué uniquement pour ce festival-là. Donc je ne sais pas si on pourrait le rejouer… C’est un peu ça ma spécialité ; faire des choses uniques. Qu’on ne peut pas rejouer ailleurs.”
Parlant de choses uniques, notons que vous associez théâtre, mise en scène et musique. N’est-ce pas trop pour vous ?
“Non. Je dirai que ce n’est pas assez. J’aimerais encore faire plein d’autres choses. J’aimerais danser plus, j’aimerais mettre plus de musique. Moi, ça me stimule, parce que ça me permet de rencontrer beaucoup de gens. Ça me permet de me challenger, de me dépasser.”
A quoi ressemble un spectacle de la « Compagnie Shin » ?
“Ça peut ressembler à plein de choses différentes. Il y a un spectacle que nous sommes en train de créer en ce moment. C’est un mélange électro acoustique. C’est un mélange d’un personnage qui raconte ses souvenirs d’enfance, d’une peintre qui dessine ses souvenirs. On est tous·tes sur scène et on raconte cette histoire avec nos quatre arts : moi avec la parole, Charles Millet avec la musique électro acoustique, François Feydy avec de la vidéo et Eveliina Laitinen avec la peinture.”
C’est assez original !
“Cette année on travaille sur un autre projet au Mémorial de l’Ancienne Gare de Déportation de Bobigny. Donc on va travailler sur ce qu’on appelle une performance mémoire. Celle de la Shoah où 70.000 personnes sont parties de cette gare et ne sont pas revenues. On va créer un spectacle unique avec de jeunes collégien·nes. C’est ça aussi la « Compagnie Shin », aller dans un lieu chargé d’histoire, de mémoire et travailler pour ce lieu là et faire quelque chose d’assez émotionnel… On va également parler des cinq personnes qui ont survécu. On crée entre artistes mais moi j’inclus souvent les jeunes qui ont envie de faire du théâtre. Parce que pour moi, le théâtre est un art de partage.”
Et vous voulez transmettre aussi…
“Oui, je veux transmettre. Que toute personne qu’elle soit enfant, ado, adulte comprenne que le théâtre, c’est aussi pour elle. Ce n’est pas que les grandes scènes. Le théâtre, c’est avoir quelque chose à raconter et avoir envie de le partager.”
Dans vos représentations vous avez des peintres, musicien·nes et comédien·nes, comment arrivez-vous à vous organiser pour créer une harmonie lors de vos spectacles ?
“Premièrement, il faut connaître l’art des autres. Connaître les besoins des autres arts. Parce qu’en théâtre, on ne raconte pas les mêmes choses avec la musique, par exemple. Donc il faut savoir ce que chacun·e va raconter. Et on crée des trames pour chacun des arts. Moi, je suis chargée de raconter l’histoire. Le musicien va s’occuper de créer la musique pour amener le spectateur dans un autre monde. Ainsi qu’apporter des transitions. La peintre, quant à elle, va peindre les rêves du personnage et en ce qui concerne la vidéo, elle va nous amener dans les lieux où nous voulons entraîner le·a spectateur·ice…”
D’où tirez-vous vos inspirations dans la création de vos spectacles ?
“Mes créations sont un mélange de vécus et de fictions. En fait, on parle des choses qui nous touchent. Et on essaie d’en tirer des fils pour raconter une histoire. Pour que cela puisse aller à la rencontre du public. Et les histoires, j’essaie de les rendre un peu universelles pour que ça intéresse les gens.”
Avez-vous de spectacles festifs ?
“Oui, on a des spectacles jeunes public où on conte et lit de la poésie. Il y a toujours de la vidéo derrière. On a également une musicienne avec nous. Il s’agit de Laura Gomez, chanteuse d’origine colombienne, qui joue de tous les instruments. Avec elle, on peut dire que c’est festif parce qu’elle met plein de rythmes."
Jusqu’où allez-vous aller ?
“Déjà, j’aimerais que mon prochain spectacle sorte. J’ai du mal à trouver l’argent pour le produire. Après, j’avoue que je ne sais pas trop si je me projette toute ma vie en faisant ce métier. J’ai envie de créer un lieu convivial dédié au spectacle. J’avais l’idée de créer un centre culturel sur une péniche qui voyagerait sur des rivières parce que j’aime bien l’idée d’être nomade. Moi, ça fait dix ans que je passe au même endroit alors qu’avant je bougeais beaucoup plus. Plus tard, j’aimerais ouvrir un lieu pour les enfants et les ados. Un endroit où ils puissent venir pratiquer, voir des spectacles et faire leurs devoirs. Une sorte d’espace culturel pour enfants.”
Vous êtes en pleine écriture d’une pièce, pouvons-nous avoir l’exclusivité ?
“C’est un spectacle que j’écris avec un autre auteur pour la « MC 93 ». Je n’ai pas encore le nom mais la sortie est prévue pour 2026. Il faut noter que j’avais déjà écrit pour eux une pièces intitulée « Radio keKkai » en 2024.”
Envisagez-vous écrire une œuvre littéraire ?
“Avec l’illustrateur François Feydy, j’ai ce projet. Et j’ai l’envie d’écrire un livre de poésie…”
Alors le théâtre serait-il en berne ?
“Non, ça sera en parallèle.”
Propos recueillis par FRANCK RV